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Contentieux administratif : Articulation entre le juge administratif et le Conseil constitutionnel du contrôle des ordonnances de l’article 38 de la Constitution non ratifiées

Par un arrêt du 16 décembre 2020, le Conseil d’Etat est venu apporter des précisions intéressantes sur la portée de la décision du 3 juillet 2020 (n° 2020-851/852 QPC) par laquelle le Conseil Constitutionnel a reconnu sa compétence, dès l’expiration du délai de ratification prévue pour une ordonnance prise au titre de l’article 38 de la Constitution, pour contrôler la conformité, aux droits et libertés fondamentales garantis par la Constitution, des dispositions (relevant du domaine législatif) de cette ordonnance non ratifiée.

Le Conseil d’Etat a ainsi rappelé cette solution du Conseil constitutionnel, qui ne permet la contestation de la constitutionnalité des dispositions, relevant du domaine législatif, d’une ordonnance non ratifiée (dont le délai de ratification est expiré) que via une QPC (Question Prioritaire de Constitutionnalité), qui sera transmise par le Conseil d’Etat au Conseil constitutionnalité si cette QPC remplit les conditions exigées pour cette transmission (dispositions applicables au litige + dispositions critiquées pas déjà déclarées conformes à la Constitution + une question de constitutionnalité nouvelle ou présentant un caractère sérieux).

Mais le Conseil d’Etat est venu souligner que cette compétence reconnue au Conseil constitutionnel ne prive pas le juge administratif de la possibilité de censurer l’ordonnance dont il est saisi pour d’autres motifs qu’une contrariété aux droits et libertés garantis par la Constitution : par exemple, pour une contrariété à des règles de valeur constitutionnelle qui ne constituent pas des droits et libertés garantis par la Constitution, ou pour une contrariété avec des engagements internationaux ou encore pour une contrariété à des principes généraux du droit.

Ainsi, le Conseil d’Etat a jugé :

  • que le juge administratif (saisi par voie d’action ou d’exception de la légalité d’une ordonnance non ratifiée) conserve la possibilité « lorsque des principes voisins peuvent trouver leur source dans la Constitution, dans des engagements internationaux ou dans des principes généraux du droit» et en l’absence de précision par le requérant sur la source du principe invoqué à l’appui d’un moyen, de choisir « d’opérer son contrôle au regard de la norme de référence la plus conforme à l’argumentation dont il est saisi et à la forme de sa présentation ».
  • et que le Conseil d’Etat peut annuler, avant l’expiration du délai de trois mois courant à compter de la présentation de d’une QPC devant lui, une ordonnance « si un motif autre que la méconnaissance des droits et libertés garantis par la Constitution ou les engagements internationaux de la France est de nature à fonder cette annulation et que l’intérêt d’une bonne administration de la justice commande qu’il ne soit pas sursis à statuer», sans donc se prononcer sur le renvoi de la QPC au Conseil constitutionnel.

Mais, bien entendu, le Conseil d’Etat, saisi d’une requête en annulation d’une ordonnance, doit tirer les conséquences, sur les conclusions de la requête en annulation, de la décision du Conseil constitutionnel censurant via une QPC des dispositions de cette ordonnance, puis accueillir ou rejeter le surplus des conclusions en annulation, en fonction du bien-fondé des moyens autres que ceux tirés de la méconnaissance des droits et libertés garantis par la Constitution.

Enfin, dernière précision : « la loi par laquelle le Parlement ratifie une ordonnance lui donne rétroactivement valeur législative » de sorte qu’« un recours pour excès de pouvoir tendant à son annulation devient, à compter de cette ratification, sans objet » et de sorte qu’« à compter de cette même date, elle ne peut plus être utilement contestée par voie d’exception qu’au regard des droits et libertés que la Constitution garantit, par le moyen d’une question prioritaire de constitutionnalité, et des engagements internationaux de la France produisant des effets directs dans l’ordre juridique interne ».

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