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Contrats publics : Régime de responsabilité personnelle et pécuniaire des comptables publics

Conformément aux dispositions de l’article 17 du décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique, le comptable public est personnellement et pécuniairement responsable des actes et contrôles qui lui incombent.

Il s’agit d’un régime légal de responsabilité distinct de la responsabilité de droit commun qui est mis en œuvre par le juge des comptes (Cour des comptes ou chambres régionales des comptes) ou par l’autorité hiérarchique dans les conditions énoncées à l’article 60 de la loi n° 63-156 du 23 février 1963.

Dans un arrêt du 22 février 2017, le Conseil d’Etat s’est prononcé sur la responsabilité d’un comptable public pour les paiements effectués dans le cadre de marchés publics.

En l’espèce Mme B., agent comptable du grand port maritime de Rouen, a effectué des paiements sur le fondement de marchés  » devenus caducs « .

Par un arrêt du 15 janvier 2016, la Cour des comptes l’a déclarée responsable et l’a constituée débitrice des sommes en cause auprès du grand port maritime.

Saisi d’un pourvoi formé par le ministre des finances et des comptes publics, le Conseil d’Etat rappelle, d’une part, le régime de responsabilité spécifique prévu par l’article 60 de la loi de finances du 23 février 1963, dans sa rédaction issue de l’article 90 de la loi de finances rectificatives pour 2011 du 23 décembre 2011.

Aux termes de cet article, la responsabilité personnelle et pécuniaire des comptables publics peut être engagée dès lors notamment qu’un déficit ou un manquement en monnaie ou en valeurs a été constaté, qu’une recette n’a pas été recouvrée ou qu’une dépense a été irrégulièrement payée.

Le Conseil d’Etat précise, d’autre part, qu’il appartient au juge des comptes de déterminer si le manquement constaté a causé un préjudice financier à l’organisme public concerné, ainsi que d’évaluer l’ampleur du préjudice subi et applique ce principe à la question du préjudice né du paiement des prestations postérieurement au terme d’un marché public :

« Considérant que, pour déterminer si le paiement irrégulier d’une dépense par un comptable public a causé un préjudice financier à l’organisme public concerné, il appartient au juge des comptes d’apprécier si la dépense était effectivement due et, à ce titre, de vérifier notamment qu’elle n’était pas dépourvue de fondement juridique ; que le règlement de prestations réalisées postérieurement à l’arrivée à son terme d’un marché public constitue, en principe, un paiement irrégulier causant un préjudice financier à l’organisme public concerné ; qu’il peut, toutefois, en aller différemment si les prestations prévues par le marché ont continué à être effectivement fournies à l’organisme public en cause par le titulaire du marché et si les parties ont manifestement entendu poursuivre leurs relations contractuelles ; que la commune intention des parties de poursuivre leurs relations contractuelles peut résulter notamment de la conclusion ultérieure d’un avenant de régularisation, d’un nouveau contrat ou d’une convention de transaction conclus avec le titulaire du marché ».

Le juge ne peut donc pas se contenter de constater les manquements du comptable, il doit se demander s’ils n’étaient pas justifiés.

Pour cette raison, en concluant à l’existence d’un préjudice subi par le Grand port maritime au motif que Mme B. avait effectué des paiements sur le fondement de marchés  » devenus caducs  » sans prendre en compte le fait que des bons de commandes avaient continué d’être émis dans le cadre de ces marchés et que ces derniers avaient, pour certains, fait l’objet d’avenants de reconduction rétroactifs, la Cour des comptes a caractérisé l’existence d’un préjudice mais n’a pas recherché si la volonté des parties de poursuivre la relation contractuelle pouvait être regardée comme établie.

Le Conseil d’Etat annule donc l’arrêt de la Cour des comptes pour erreur de droit :

« Considérant qu’il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que Mme B…a pris en charge des mandats, portant sur des montants de 325,31 euros, 169 520,43 euros et 3 393,95 euros, sur le fondement de marchés conclus par le grand port maritime avec diverses sociétés ; que la Cour des comptes a relevé que ces paiements avaient été effectués sur le fondement de marchés  » devenus caducs  » et étaient, dès lors, dépourvus de fondement juridique ; qu’il résulte toutefois de ce qui a été dit au point précédent qu’en se bornant, pour caractériser l’existence d’un préjudice pour le grand port maritime résultant de ces paiements, à ces constatations, sans rechercher si la volonté des parties de poursuivre la relation contractuelle pouvait être regardée comme établie, et alors qu’il ressort des énonciations de l’arrêt attaqué que des bons de commandes avaient continué d’être émis dans le cadre de ces marchés et que ces derniers avaient, pour certains, fait l’objet d’avenants de reconduction rétroactifs, la Cour a entaché son arrêt d’erreur de droit ».

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