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Domaine public : Expulsion, démolition et voie de fait

Le Tribunal des Conflits est venu récemment préciser les contours de la voie de fait, à l’occasion d’un litige opposant SNCF Réseau, venant aux droits de Réseau Ferré de France (RFF) à un occupant sans titre du domaine public.

Dans cette affaire, un particulier avait été autorisé, par convention, à occuper un terrain appartenant au domaine public de la SNCF, sur lequel étaient édifiés deux bâtiments.

Cette convention d’occupation du domaine public a été résiliée en 2002. La SNCF a ensuite alerté l’occupant sans titre sur les risques que présentaient les bâtiments. Elle a également demandé au Préfet de la Manche l’autorisation de détruire les bâtiments. C’est dans ce contexte, qu’en décembre 2009, RFF a procédé à la destruction des bâtiments situés sur le domaine public, ainsi qu’à celle des objets mobiliers qui y étaient entreposés, en décembre 2009.

L’occupant du domaine public a contesté l’expulsion d’office et la destruction des bâtiments, devant le Tribunal Administratif de Caen. Aprèsavoir estimé que RFF n’avait commis aucune faute en résiliant la convention, le Tribunal Administratif s’est déclaré incompétent, au motif que RFF avait commis une voie de fait. La Cour d’Appel de Caen a finalement décidé de renvoyer au Tribunal des Conflits le de trancher la question de compétence.

Le Tribunal des Conflits rappelle, dans un premier temps, la définition de la voie de fait :

« Considérant qu’il n’y a voie de fait de la part de l’administration, justifiant, par exception au principe de séparation des autorités administratives et judiciaires, la compétence des juridictions de l’ordre judiciaire pour en ordonner la cessation ou la réparation, que dans la mesure où l’administration soit a procédé à l’exécution forcée, dans des conditions irrégulières, d’une décision, même régulière, portant atteinte à la liberté individuelle ou aboutissant à l’extinction d’un droit de propriété, soit a pris une décision qui a les mêmes effets d’atteinte à la liberté individuelle ou d’extinction d’un droit de propriété et qui est manifestement insusceptible d’être rattachée à un pouvoir appartenant à l’autorité administrative ».

Il relève, qu’en l’espèce, les conditions de la voie de fait ne sont pas réunies, pour les raisons suivantes :

– En premier lieu, RFF était en tout état de cause propriétaire des deux bâtiments au plus tard depuis la fin de la concession domaniale dont le requérant était titulaire : la destruction de ces bâtiments ne saurait dès lors être constitutive d’une voie de fait.

– En deuxième lieu, l’occupant n’a apporté aucune preuve, par les photos, devis et catalogues, de sa propriété sur les biens mobiliers déposés dans les deux bâtiments : dans ces conditions, la destruction par RFF des biens mobiliers entreposés dans les deux bâtiments ne saurait être regardée comme ayant abouti à l’extinction d’un droit de propriété du requérant, ni comme constitutive d’une voie de fait.

Au regard de ce qui précède, il appartient à la juridiction administrative de connaitre de ce litige.

Sources et liens

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