Par une décision en date du 9 novembre 2015, le Conseil d’Etat a jugé que la circulaire du Ministre de l’intérieur en date du 6 janvier 2014 intitulée « Lutte contre le racisme et l’antisémitisme – manifestations et réunions publiques – Spectacles de Monsieur Dieudonné M’Bala M’Bala » était légale.
Cette circulaire, prise au moment où se succédaient les interdictions préfectorales ou municipales des spectacles de Dieudonné, rappelle les conditions juridiques dans lesquelles des spectacles peuvent être interdits sur le fondement des pouvoirs de police du Maire et / ou du Préfet. Elle a été attaquée devant le Conseil d’Etat par une association.
Pour rejeter la requête, le Conseil d’Etat a d’abord rappelé que le respect de la dignité de la personne humaine est une composante de l’ordre public qu’il appartient à l’autorité titulaire du pouvoir de police de protéger, même en l’absence de circonstances locales particulières.
Le Conseil d’Etat aborde ensuite la question de la nécessaire conciliation entre la liberté d’expression et la protection de l’ordre public ainsi défini : la liberté d’expression et de réunion peut être limitée, pour des exigences d’ordre public, par des mesures de police nécessaires, adaptées et proportionnées.
Appliquant ces principes au cas précis de la circulaire attaquée, la Haute juridiction relève que cette circulaire ne comporte pas de critères contraignants et « n’a pas méconnu l’étendue des pouvoirs de police administrative en rappelant que l’autorité qui les détient peut, pour apprécier la nécessité d’interdire la représentation d’un spectacle, tenir compte de l’existence de condamnations pénales antérieures sanctionnant des propos identiques à ceux susceptibles d’être tenus à l’occasion de nouvelles représentations de ce spectacle, de l’importance donnée aux propos incriminés dans la structure même du spectacle ainsi que des éventuelles atteintes à la dignité de la personne humaine qui pourraient en résulter ; que la circonstance que les propos et gestes en cause sont diffusés sur internet ne fait pas obstacle à l’interdiction de représentation d’un spectacle ».
Le Conseil d’Etat ajoute que des propos ou gestes à caractère antisémite incitant à la haine raciale et faisant l’apologie des crimes commis durant la seconde Guerre Mondiale peuvent porter atteinte à la dignité de la personne humaine, même en l’absence de risque de troubles matériels. La Haute Juridiction estime qu’en rappelant ce principe, le Ministre de l’Intérieur n’a pas excédé les limites de sa compétence.
Compte tenu de l’ensemble de ce qui précède, le Conseil d’Etat rejette la requête dirigée contre la circulaire du Ministre de l’intérieur du 6 janvier 2014.