Le 8 avril 2015, le Conseil d’État est venu préciser, par une décision mentionnée aux tables du Recueil Lebon (n°376821), qu’une collectivité territoriale, titulaire du droit de préemption au titre des espaces naturels sensibles, n’a pas à justifier de la réalité d’un projet d’aménagement lorsqu’elle exerce ce droit.
En l’espèce, une particulière avait acquis deux parcelles sur lesquelles une commune avait exercé son droit de préemption au titre des espaces naturels sensibles. La commune avait alors assigné l’acquéreuse devant le TGI en annulation de la vente.
La Cour d’appel de Rennes a sursis à statuer en invitant l’acquéreuse à saisir le juge administratif de la question de la légalité de la décision de préemption. Le Tribunal administratif a annulé la décision attaquée, au motif qu’il n’était pas établi que la préemption « avait été décidée dans le but fixé » par les dispositions des articles L.142-1 et suivants du Code de l’urbanisme.
Ce raisonnement a été censuré par le Conseil d’État devant lequel l’affaire a été portée en appel, en vertu de l’article R.321-1 du Code de justice administrative dans sa version alors applicable.
Le Conseil d’État estime en effet que si l’exercice du droit de préemption dans les espaces naturels sensibles doit être justifié « à la fois, par la protection des espaces naturels sensibles et par l’ouverture ultérieure de ces espaces au public, sous réserve que la fragilité du milieu naturel ou des impératifs de sécurité n’y fassent pas obstacle », la personne publique titulaire du droit de préemption n’a pas pour autant à justifier de la réalité d’un projet d’aménagement à la date où elle en fait l’exercice.
Cet arrêt, qui distingue clairement le droit de préemption dans les espaces naturels sensibles du droit de préemption urbain, pour lequel la réalité du projet d’aménagement se doit d’être démontrée, se place dans la continuité de l’arrêt de la Haute Juridiction en date du 30 avril 2014 (n°360794, Commune des Saintes-Maries-de-la-Mer).