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Contrats publics : la faculté de résiliation unilatérale reconnue au cocontractant de l’Administration

Par un arrêt du 8 octobre 2014, le Conseil d’Etat a reconnu la possibilité, pour le cocontractant de la personne publique de résilier le contrat en cas de méconnaissance, par cette dernière, de ses obligations contractuelles.

En l’espèce le « Musée des civilisations de l’Europe et de la Méditerranée » (MUCEM) et la société Grenke Location ont conclu un contrat de location de photocopieurs pour une durée de soixante-trois mois moyennant le paiement d’un loyer trimestriel.

Le MUCEM ayant cessé de payer les loyers, la société a fait application de l’article 12 des conditions générales annexées au contrat pour le résilier et a demandé le versement de l’indemnité de résiliation contractuellement prévue ainsi que la restitution des matériels.

Le Tribunal Administratif de Strasbourg a condamné le MUCEM à verser l’indemnité réclamée, mais ce jugement a été annulé par la Cour Administrative d’Appel de Nancy du fait de l’illégalité de la clause autorisant la société à résilier unilatéralement le contrat.

Le Conseil d’Etat, saisi par la société Grenke Location, rappelle dans un premier temps le principe selon lequel « le cocontractant lié à une personne publique par un contrat administratif est tenu d’en assurer l’exécution, sauf en cas de force majeure, et ne peut notamment pas se prévaloir des manquements ou défaillances de l’administration pour se soustraire à ses propres obligations contractuelles ou prendre l’initiative de résilier unilatéralement le contrat ».

Dans le second temps de son raisonnement, il consacre l’exception : « qu’il est toutefois loisible aux parties de prévoir dans un contrat qui n’a pas pour objet l’exécution même du service public les conditions auxquelles le cocontractant de la personne publique peut résilier le contrat en cas de méconnaissance par cette dernière de ses obligations contractuelles ».

Cette faculté de résiliation unilatérale offerte au cocontractant de l’administration est cependant encadrée par de nombreuses conditions énumérées par le Conseil d’Etat.

En premier lieu, cette faculté de résiliation doit avoir été prévue par le contrat.

En deuxième lieu, cette faculté est exclue dès lors que le contrat porte sur l’exécution d’un service public.

En troisième lieu, avant de demander la résiliation du contrat, le cocontractant doit mettre la personne publique en mesure d’invoquer un motif d’intérêt général tenant « notamment » aux exigences du service public. Lorsqu’un motif d’intérêt général lui est opposé, la résiliation du contrat devient impossible et l’exécution du contrat doit être poursuivie. En cas de non respect de cette obligation, la résiliation du contrat pourra être prononcée aux torts exclusifs du cocontractant de l’administration :

« Que, cependant, le cocontractant ne peut procéder à la résiliation sans avoir mis à même, au préalable, la personne publique de s’opposer à la rupture des relations contractuelles pour un motif d’intérêt général, tiré notamment des exigences du service public ; que lorsqu’un motif d’intérêt général lui est opposé, le cocontractant doit poursuivre l’exécution du contrat ; qu’un manquement de sa part à cette obligation est de nature à entraîner la résiliation du contrat à ses torts exclusifs ; qu’il est toutefois loisible au cocontractant de contester devant le juge le motif d’intérêt général qui lui est opposé afin d’obtenir la résiliation du contrat. » 

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