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Emprunts structurés : Omission du TEG dans les télécopies = taux légal

Dans trois récents jugements en date du 8 février 2013, le Tribunal de grande instance de Nanterre a annulé les clauses de stipulation d’intérêts de trois contrats de prêts conclus entre la banque Dexia et le Département de Seine Saint Denis pour défaut de mention du taux effectif global dans les télécopies adressées préalablement à la collectivité, et a ainsi décidé de substituer le taux légal au taux conventionnel.

Le Tribunal a tout d’abord rappelé que :

« D’une part que le taux effectif global est un taux représentatif du coût total du crédit exprimé en pourcentage annuel du montant du crédit consenti ; qu’il a pour but de permettre à l’emprunteur de comparer les différentes offres de prêt des établissements de crédit consultés, l’ensemble des frais et commissions liés au prêt proposé ;

D’autre part que la jurisprudence considère qu’en matière de prêt d’argent, l’exigence d’un écrit mentionnant le TEG est une condition de validité de la stipulation d’intérêts, de sorte qu’à défaut d’une telle mention, ou si elle est erronée, il convient de faire application du taux d’intérêt légal à compter de la date du prêt. »

En effet, la Cour de cassation considère qu’en matière de prêt d’argent, l’exigence d’un écrit mentionnant le TEG est une condition de validité de la clause d’intérêts conventionnels, et que dès lors, le défaut d’une telle mention est sanctionné par la nullité relative de ladite clause (Voir par exemple : Cour de cassation, 1ère civ., 21 janvier 1992, n° 90-18121; Cour de cassation, com, 12 mars 2002, n° 99-17004), et par l’application du taux d’intérêt légal à compter de la date du prêt (Voir par exemple : Cour de cassation, 1ère civ, 6 mai 1997, 95-15605; Cour de cassation, com, 25 mars 2003 , 00-16348).

En l’espèce, le Département de Seine Saint Denis avait contracté plusieurs emprunts à taux structuré auprès de la société Dexia.

A la suite de pourparlers en vue de la renégociation de ces contrats, la banque Dexia avait adressé au Département un fax dans lequel elle lui confirmait les conditions de la transaction intervenue entre les parties sur les conditions du refinancement de l’emprunt préexistant.

Ce document, qui contenait toutes les caractéristiques essentielles du prêt consenti, avait ainsi été établi, et envoyé au Département, avant l’instrumentum du contrat de prêt lui-même.

Il était en outre inscrit au bas du document :

« Nous vous remercions de bien vouloir confirmer votre accord sur cette opération, en faisant parapher chacune des pages du présent document et signer la dernière page en nous la retournant, signé et dûment complété de la mention «  bon pour accord » par la personne habilitée à engager l’emprunteur au numéro de télécopie suivant ; 01 58 58 66 40.

Le contrat correspondant vous sera adressé dans les meilleurs délais. Nous vous prions d’agréer (…) ».

Ledit fax comportait le nom et la signature du représentant de la société DEXIA et la signature, précédée de la mention dactylographiée puis de la mention manuscrite « Bon pour accord », du représentant du Département. Il y figurait également la mention dactylographiée suivante : « Cet accord constitue un engagement irrévocable de l’emprunteur ».

Les juges du Tribunal de grande instance de Nanterre ont considéré que ladite télécopie, en tant qu’elle comportait toutes les mentions essentielles du contrat de prêt, et qu’elle engageait irrévocablement l’emprunteur, opérait la rencontre des consentements des parties, et constituait donc par elle-même le contrat de prêt :

« Ce document, en ce qu’il opère la rencontre des volontés du prêteur et de l’emprunteur sur les conditions essentielles du prêt, et engage irrévocablement l’emprunteur envers le prêteur, constitue un véritable contrat de prêt, l’instrumentum qui a été établi neuf semaines plus tard ne faisant que confirmer ce contrat de prêt. »

Par conséquent, le Taux effectif global du contrat de prêt devait obligatoirement figurer sur ladite télécopie, à titre d’information pour l’emprunteur, ce qui n’était pas le cas en l’espèce :

« Il est donc impératif que le TEG figure sur ce document du 30 avril 2007 ayant valeur contractuelle, l’emprunteur devant, au moment de s’engager, être informé sur ce taux en l’absence duquel il n’est pas en mesure d’opérer une comparaison entre les propositions de crédit qui lui ont été faites.

Or le TEG ne figure pas sur ce contrat du 30 avril 2007. Il ne figure que sur l’instrumentum du 6 juillet 2007.     

La banque a ainsi requis et obtenu l’engagement irrévocable de l’emprunteur sans avoir préalablement informé du taux effectif global. »

Le Tribunal de grande instance a donc appliqué la jurisprudence de la Cour de cassation, pour juger que :

« Le Département soutient donc, à raison, que l’exigence légale de la mention du TEG sur tout écrit constatant le contrat de prêt, la télécopie du 30 avril 2007 constituant un tel écrit, n’a pas été respectée par DEXIA.

Il s’ensuit que la stipulation de l’intérêt conventionnel est nulle et que le taux légal doit être substitué au taux contractuel depuis la conclusion du contrat de prêt, étant précisé que le taux légal subira les modifications successives que la loi lui apporte. »

Le Tribunal de grande instance de Nanterre admet ainsi la nullité de la clause relative aux intérêts, et la substitution du taux d’intérêt légal, de tous les contrats de prêt dès lors que l’obligation légale de mention du TEG dans un écrit constatant le prêt, tel qu’une télécopie, n’a pas été respectée par l’établissement bancaire.

Sources et liens

Tribunal de grande instance de Nanterre, 6ème chambre, 8 février 2013, Département de la Seine-Saint-Denis c/ Dexia Crédit Local « Dualys Optimisé », n° R.G. 11/03778, 11/03779, 11/03780

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