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Environnement : Fondements de l’opposition préfectorale à l’utilisation d’un cours d’eau

Le préfet de l’Ariège a, par arrêté, autorisé la SNC Pervu à utiliser les eaux de deux ruisseaux en vue d’alimenter sa centrale micro-hydroélectrique. Il faut préciser que cette utilisation impliquait une dérivation importante d’une partie du débit des ruisseaux.

Des associations locales ont contesté l’arrêté préfectoral comme portant atteinte à la continuité écologique et ont demandé son annulation devant les juridictions administratives. Le Tribunal administratif de Toulouse ayant seulement enjoint au préfet de prendre un nouvel arrêté, les associations ont interjeté appel devant la Cour administrative de Bordeaux (la CAA), laquelle a accueilli leur demande en annulant l’arrêté au motif qu’il n’était pas compatible avec la liste des cours d’eau recensés par le schéma directeur d’aménagement et de gestion des eaux (SDAGE) Adour Garonne comme étant en très bon état écologique.

La SNC Pervu s’est alors pourvue en cassation devant le Conseil d’Etat qui, par un arrêté fort intéressant (et mentionné aux tables du Recueil Lebon), a annulé l’arrêt de la CAA.

La Haute juridiction administrative commence par rappeler les textes applicables, à savoir :

–       l’article L. 212-1 du Code de l’environnement posant la vocation première des SDAGE, à savoir fixer des orientations et objectifs destinés à assurer le bon état des cours d’eau ;

–       l’article L. 214-17, I, 1° du même Code aux termes duquel le préfet coordonnateur de bassin établit pour chaque bassin une liste de cours d’eau, parmi ceux qui sont soit en très bon état écologique, soit identifiés par le SDAGE comme importants au titre de la protection de la biodiversité, « sur lesquels aucune autorisation ou concession ne peut être accordée pour la construction de nouveaux ouvrages s’ils constituent un obstacle à la continuité écologique ».

Cet article précise également, concernant les ouvrages et installations hydrauliques existants situés sur ces cours d’eau à protéger, que le renouvellement de leur autorisation ou concession doit comporter des prescriptions en vue de la bonne qualité des eaux ou de la protection des espèces migratrices.

Le III. du même article indique que ces obligations n’entreront en vigueur qu’à compter de la publication de la liste des cours d’eau à protéger (d’ici là, ce sont les dispositions de l’article 2 de la loi du 16 octobre 1919 relative à l’utilisation de l’énergie hydraulique qui s’appliquent).

Selon le Conseil d’Etat, il résulte des dispositions de l’article L. 214-17 du Code de l’environnement « que l’autorité administrative ne peut légalement refuser d’accorder des autorisations ou concessions portant sur la construction de nouveaux ouvrages constituant un obstacle à la continuité écologique qu’à compter de la publication de la liste des cours d’eau, parties de cours d’eau ou canauxmentionnée au I de cet article ; que s’il appartient aux auteurs des schémas directeurs d’aménagement et de gestion des eaux (SDAGE), en application des dispositions des articles L. 211-1 et L. 212-1 du même code rappelées au point 1, de fixer dans ces documents des objectifs ou orientations destinés à assurer le bon état des cours d’eau et s’il leur est loisible d’identifier à cette fin les cours d’eau, parties de cours d’eau ou canaux jouant le rôle de réservoir biologique, une telle mesure ne peut avoir pour objet ou pour effet de se substituer à la publication de la liste mentionnée ci-dessus en permettant à l’autorité administrative compétente de s’opposer, pour les mêmes motifs que ceux énoncés à l’article L. 214-17, à la réalisation d’ouvrages situés sur des cours d’eau ».

En d’autres termes, le préfet ne saurait refuser la réalisation d’ouvrages ou d’installations sur un cours d’eau tant que la liste de cours d’eau prévue au 1. de l’article L. 214-17, I. du Code de l’environnement n’a pas été établie par le préfet coordonnateur de bassin (c’est-à-dire le préfet de la région concernée). Un tel refus ne peut donc être fondé sur le fait que le cours d’eau a été recensé comme étant en très bon état écologique par le SDAGE.

Dès lors, en ayant annulé l’arrêté préfectoral au motif qu’il n’était pas compatible avec la liste des cours d’eau du SDAGE Adour Garonne, alors que n’a pas encore été établie par le préfet de la région Midi-Pyrénées la liste des cours d’eau de l’article L. 214-17, I, 1° du Code de l’environnement, la CAA a commis une erreur de droit.

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