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Contrats : Référé précontractuel et application des dispositions du CCAG travaux

Le Conseil d’État a précisé dans un arrêt rendu le 3 décembre 2012 que les clauses contractuelles contenues dans le cahier des clauses administratives générales doivent être prises en compte pour juger des manquements aux règles de passation et de mise en concurrence allégués dans le cadre d’un référé précontractuel.
Au cas particulier, à la suite d’une résiliation aux frais et risques, la Haute juridiction a rappelé que le transfert de propriété du matériel et des matériaux laissés par le premier titulaire du contrat au pouvoir adjudicateur ne consiste pas en un manquement aux règles de publicité ou de mise en concurrence :

« Considérant qu’il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés que le Syndicat mixte pour l’étude et le traitement des ordures ménagères (SETOM) de l’Eure a conclu un marché public de travaux avec le groupement solidaire formé des sociétés TP Tinel, mandataire, et Bec Frères, pour la construction de  » casiers  » sur un site de traitement de déchets ; que le SETOM a résilié le marché aux frais et risques du groupement et a engagé une procédure, sur le fondement de l’article 28 du code des marchés publics, pour la passation d’un marché de substitution dans le but d’achever les travaux ; que l’offre du groupement sortant, qui s’est à nouveau porté candidat à l’attribution du marché de substitution, n’a pas été retenue ; que par l’ordonnance attaquée, le juge des référés du tribunal administratif de Rouen a fait droit aux conclusions présentées par la société TP Tinel en annulant dans son intégralité la procédure de passation de ce marché de substitution, au motif que le pouvoir adjudicateur avait indiqué, dans les documents de la consultation, mettre à disposition des candidats des matériaux entreposés sur le chantier, qui demeuraient la propriété de la société TP Tinel ;

Considérant qu’en cas de résiliation du marché, l’article 46.4 du cahier des clauses administratives générales applicable au litige soumis au juge des référés prévoit que :  » Le maître d’ouvrage dispose du droit de racheter, en totalité ou partie: / les ouvrages provisoires utiles à l’exécution du marché ; / les matériaux approvisionnés, dans la limite où il en a besoin pour le chantier (…)  » ; qu’aux termes de l’article 49.4 du même cahier :  » (…) En cas de résiliation aux frais et risques de l’entrepreneur, il est passé un marché avec un autre entrepreneur pour l’achèvement des travaux. (…) Par exception aux dispositions du 42 de l’article 13, le décompte général du marché résilié ne sera notifié à l’entrepreneur qu’après règlement définitif du nouveau marché passé pour l’achèvement des travaux  » ; qu’il résulte de ces dispositions, qui confèrent au maître d’ouvrage le droit d’acquérir les matériaux approvisionnés dont il a besoin pour le chantier, que le SETOM de l’Eure pouvait disposer de plein droit des matériaux d’isolation laissés sur le chantier par le groupement demandeur à l’issue de la résiliation du marché à ses frais et risques, traduisant ainsi sa décision de faire usage de son droit de rachat, alors même que le titulaire du marché résilié ne pouvait obtenir le paiement de ces matériaux que dans le cadre du règlement du marché résilié, intervenant après le règlement définitif du marché de substitution passé pour l’achèvement des travaux ; que, dès lors, en jugeant que constituait une information juridiquement inexacte et ainsi un manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence le fait pour le pouvoir adjudicateur d’indiquer aux candidats au marché de substitution qu’il mettrait à leur disposition les matériaux approvisionnés par le groupement sortant en se fondant sur ce que le rachat de ces matériaux n’était pas encore intervenu, sans prendre en considération leur mise à disposition du pouvoir adjudicateur, de plein droit, en application des dispositions précitées, le juge des référés du tribunal administratif de Rouen a commis une erreur de droit ; que, par suite, et sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens du pourvoi, son ordonnance doit être annulée. »

Le Conseil d’État a ainsi annulé l’ordonnance du juge des référés précontractuels et  a rejeté la demande d’annulation de la procédure de passation du marché de substitution.

Sur le plan pratique, cette décision permet au pouvoir adjudicateur, d’aller au plus vite, pour passer un autre marché en mettant à disposition du titulaire du marché de substitution les matériaux laissés sur place par le précédent titulaire.

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