Aux termes des dispositions de l’article L. 161-1 du Code rural et de la pêche maritime, « les chemins ruraux sont des chemins appartenant aux communes, affectées à l’usage du public, qui n’ont pas été classés comme voies communales. Ils relèvent du domaine privé de la commune ».
L’appartenance des chemins ruraux au domaine privé des communes est paradoxale, au regard notamment de leur affectation à l’usage du public. Pour cette raison, il est souvent fait état de la « nature hybride » de ces chemins.
Cette nature hybride explique notamment que l’aliénation des chemins ruraux échappe au droit commun de la propriété, pour être encadrée par les dispositions des articles L. 161-10 et L. 161-10-1 du Code rural et de la pêche maritime ; les premières prévoyant que leur cession ne peut intervenir qu’à la condition qu’ils cessent d’être affectés à l’usage du public.
C’est dans ce cadre que, par un arrêt du 22 septembre 2020, la Cour administrative d’appel de Nantes est venue préciser que la cession d’un chemin rural entachée d’une illégalité tenant à l’absence de désaffectation préalable de son usage par le public peut être régularisée rétroactivement par délibération du conseil municipal.
En l’espèce, le maire de la Commune de Langesse avait, par un acte du 27 avril 2015, cédé à une société une parcelle de terrain constituant l’emprise foncière d’un chemin rural sans, toutefois, l’avoir préalablement désaffectée. À la demande notamment de l’Association intercommunale de sauvegarde et de valorisation du patrimoine (ci-après « AISVP »), le Tribunal administratif d’Orléans a, par un jugement du 17 novembre 2015, annulé les délibérations du conseil municipal de la Commune autorisant la cession dudit chemin et autorisant le maire à effectuer les démarches correspondantes et à signer les actes afférents à cette vente. Ce jugement a été confirmé par la Cour administrative d’appel de Nantes dans un arrêt du 13 février 2017.
Estimant la Commune défaillante dans l’exécution de cet arrêté, l’AISVP a saisi le juge de l’exécution de la Cour d’une demande tendant à ce qu’il soit enjoint à la Commune de Langesse de procéder à la résolution amiable de la vente ou, à défaut, de saisir le juge du contrat aux fins de constater la nullité de l’acte de vente du chemin rural.
Dans son arrêt du 22 septembre 2020, la Cour administrative d’appel de Nantes rappelle tout d’abord les conséquences de l’annulation d’un acte détachable (en l’occurrence, des délibérations ayant autorisé le principe de la cession du chemin rural et le maire à effectuer les démarches afférentes à cette cession) d’un contrat de droit privé :
« 3. L’annulation d’un acte détachable d’un contrat de droit privé n’impose pas nécessairement à la personne publique partie au contrat de saisir le juge du contrat afin qu’il tire les conséquences de cette annulation. Il appartient au juge de l’exécution de rechercher si l’illégalité commise peut être régularisée et, dans l’affirmative, d’enjoindre à la personne publique de procéder à cette régularisation. Lorsque l’illégalité commise ne peut être régularisée, il lui appartient d’apprécier si, eu égard à la nature de cette illégalité et à l’atteinte que l’annulation ou la résolution du contrat est susceptible de porter à l’intérêt général, il y a lieu d’enjoindre à la personne publique de saisir le juge du contrat afin qu’il tire les conséquences de l’annulation de l’acte détachable ».
La Cour rappelle ensuite qu’aux termes des dispositions des articles L. 161-1, L. 161-2 et L. 161-10 du Code rural et de la pêche maritime, la désaffectation d’un chemin rural résulte, en principe, d’un état de fait, caractérisé notamment par la circonstance qu’il n’est plus utilisé comme voie de passage et qu’il ne fait plus l’objet, de la part de l’autorité communale, d’actes réitérés de surveillance ou de voirie ; ce qui n’était pas le cas en l’espèce.
Toutefois, estime la Cour, « ces dispositions ne font (…) pas obstacle au droit du conseil municipal de décider l’aliénation d’un chemin rural, alors même que ce chemin n’aurait pas cessé d’être utilisé par le public, sous réserve que soit adoptée par ce conseil municipal une délibération décidant expressément de cesser l’affectation du chemin à l’usage du public ».
Les juges d’appel admettent ainsi que la désaffectation à l’usage du public puisse résulter d’une délibération du conseil municipal ; ce qu’avait déjà semblé admettre implicitement le Conseil d’État dans un arrêt du 24 février 1992 (CE, « Bourguignon », n°78141).
En l’espèce, la Commune de Langesse avait pris soin d’adopter, le 17 février 2020, une délibération mettant fin à l’affectation à l’usage du public du chemin rural litigieux depuis le 27 avril 2015 (soit à compter de l’acte de cession litigieux) et portant approbation rétroactive de l’acte de vente.
Or, selon la Cour, « cette délibération (…) a régularisé l’illégalité entachant les actes administratifs préalables à la vente de ce chemin rural ».