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Une astreinte de 10 millions d’euros prononcée contre l’Etat pour son inertie à lutter contre la pollution de l’air

Le 10 juillet dernier, l’Assemblée du Contentieux du Conseil d’Etat a prononcé à l’encontre de l’Etat une astreinte inédite de 10 millions d’euros par semestre de retard, pour le contraindre à prendre des mesures en faveur de la qualité de l’air.

Pour mémoire, par un arrêt du 12 juillet 2017 (Association Les amis de la Terre France, n° 394254), le Conseil d’Etat avait annulé les décisions implicites du Président de la République, du Premier ministre et des ministres chargés de l’environnement et de la santé refusant de prendre toutes mesures utiles et d’élaborer des plans conformes à l’article 23 de la directive 2008/50/CE du 21 mai 2008 permettant de ramener, sur l’ensemble du territoire national, les concentrations en particules fines PM10 et en dioxyde d’azote en-deçà des valeurs limites fixées à l’annexe XI de cette directive.

La Haute juridiction avait alors enjoint au Premier Ministre et au Ministre de l’Environnement d’élaborer et de mettre en œuvre, dans diverses zones identifiées, un plan relatif à la qualité de l’air permettant de ramener les concentrations de ces deux polluants sous les valeurs limites fixées par l’article R. 221-1 du code de l’environnement « dans le délai le plus court possible » et de le transmettre à la Commission européenne avant le 31 mars 2018.

En octobre 2018, de nombreuses associations ont à nouveau saisi le Conseil d’Etat afin que soit constatée l’absence d’exécution de la décision du 12 juillet 2017 et qu’une astreinte soit prononcée à l’encontre de l’Etat.

Aux termes de son arrêt du 10 juillet 2020, le Conseil d’Etat a considéré que les mesures prises par le Gouvernement pour ramener, dans les zones considérées, les émissions de dioxyde d’azote et de particules fines en dessous des valeurs limites étaient insuffisantes et que la décision du 12 juillet 2017 ne pouvait être considérée comme ayant été pleinement exécutée.

La Haute juridiction estime alors que :

« eu égard au délai écoulé depuis l’intervention de la décision dont l’exécution est demandée, à l’importance qui s’attache au respect effectif des exigences découlant du droit de l’Union européenne, à la gravité des conséquences du défaut partiel d’exécution en termes de santé publique et à l’urgence particulière qui en découle, il y a lieu, dans les circonstances de l’affaire, de prononcer contre l’Etat, à défaut pour lui de justifier de cette exécution complète dans un délai de six mois à compter de la notification de la présente décision, une astreinte de 10 millions d’euros par semestre jusqu’à la date à laquelle la décision du 12 juillet 2017 aura reçu exécution, étant rappelé que ce montant est susceptible d’être révisé à chaque échéance semestrielle à l’occasion de la liquidation de l’astreinte. »

Le Conseil d’Etat apporte également des précisions intéressantes concernant les modalités de liquidation de l’astreinte par la juridiction administrative en cas d’inexécution totale ou partielle ou d’exécution tardive de ses décisions de justice par les personnes morales de droit public ou les organismes de droit privé chargés de la gestion d’un service public.

Si l’astreinte est en principe versée au requérant, l’article L. 911-8 du code de justice administrative permet à la juridiction de décider, afin d’éviter un enrichissement indu, qu’une part de l’astreinte ne sera pas versée au requérant. Cette part est alors affectée au budget de l’Etat.

En l’espèce, cette disposition ne pouvait trouver application puisque l’Etat lui-même se retrouve débiteur de l’astreinte en cause.

Le Conseil d’Etat considère alors que :

« lorsque cela apparaît nécessaire à l’exécution effective de la décision juridictionnelle, la juridiction peut, même d’office, après avoir recueilli sur ce point les observations des parties ainsi que de la ou des personnes morales concernées, décider d’affecter cette fraction à une personne morale de droit public disposant d’une autonomie suffisante à l’égard de l’Etat et dont les missions sont en rapport avec l’objet du litige ou à une personne morale de droit privé, à but non lucratif, menant, conformément à ses statuts, des actions d’intérêt général également en lien avec cet objet. »

Quoi qu’il en soit, le compte à rebours est désormais lancé…

Sources et liens

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