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Marchés publics : Droit d’information des candidats évincés et secret industriel et commercial

Par une décision en date du 29 mai 2013 rendue à l’occasion d’un référé précontractuel, le Conseil d’Etat a précisé les obligations des pouvoirs adjudicateurs en matière de communication aux candidats évincés des « caractéristiques et avantages relatifs » de l’offre retenue (ici, art. 255 du code des marchés publics), en l’occurrence son montant global et les délais d’exécution.

En l’espèce, le ministre de la Défense a opposé un refus à la demande de communication que lui avait adressé un concurrent évincé aux motifs que :

« La communication des deux informations demandées risquerait de donner à la société […] un avantage compétitif de nature à nuire à la loyauté de la concurrence, dans l’hypothèse où la procédure litigieuse serait annulée par le Conseil d’Etat ou serait déclarée sans suite pour motif d’intérêt général et où une nouvelle procédure de passation du marché serait engagée ».

Le Conseil d’Etat juge au contraire que « le ministre n’apporte ainsi aucun élément de nature à établir que la communication des informations demandées porterait, en l’espèce, une atteinte au secret des affaires ou pourrait nuire à une concurrence loyale entre les opérateurs économiques et à faire ainsi obstacle à ce qu’il y soit procédé ». Il enjoint donc, sous astreinte, le ministre à communiquer au candidat évincé qui en avait fait la demande les documents en litige.

Par cette décision, le Conseil d’Etat confirme le principe aux termes duquel « l’acheteur public ne peut communiquer des informations dont la divulgation porterait préjudice aux intérêts commerciaux légitimes des entreprises ou pourrait nuire au libre jeu de la concurrence entre elles, notamment les informations relatives au prix et au délai d’exécution » (CE, 27 septembre 2006, SECM, n° 278601).  La Haute Juridiction vient cependant préciser qu’il appartient au pouvoir adjudicateur qui oppose le refus de communication de prouver les atteintes dont il se prévaut.

Il convient donc de relativiser, à l’aune de cette décision, les avis de la commission d’accès aux documents administratifs (CADA) selon lesquels :

–  « aucun document [ne peut être communiqué] à qui que ce soit, pas même à un candidat, tant que le marché n’est pas signé, soit parce que sa procédure de passation est en cours, y compris lorsque la décision d’attribution a été prise et que celle-ci est déférée au juge, soit parce que le marché a été annulé par le juge ou déclaré infructueux ou que la collectivité a renoncé à le passer » (CADA, avis n° 20082308 du 19 juin 2008) ;

–  les délais d’exécution ne doivent en principe pas être communiqués dès lors qu’ils reflètent les moyens techniques des entreprises (CADA, conseil n° 20091745 du 14 mai 2009) en ce que cela heurte le secret industriel et commercial (CADA, avis n° 20062949 du 11 juillet 2006).

Il résulte en effet de la décision commentée qu’il ne peut être opposé un refus de principe à une demande de communication, le pouvoir adjudicateur devant établir les atteintes susceptibles d’être causées par ladite communication.

Sources et liens

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